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Coronavirus - Comment les assureurs se préparent-ils à ce risque pandémique ?

Dernière mise à jour : 14 févr. 2020

1. Point de situation sur le nouveau Coronavirus


L’apparition depuis décembre 2019 du Coronavirus 2019-NCoV (2019-Novel Coronavirus) a généré une panique mondiale engendrant ainsi des procédures de mise en quarantaine et un ralentissement des activités économiques. Le risque d’apparition d’une nouvelle pandémie mondiale devient élevé et impacterait notamment les organismes d’assurance et les réassureurs.

Le 2019-NCoV est un virus de la famille des coronavirus qui ont généré entre autres l’épidémie de MERS en Arabie Saoudite en 2014 et l’épidémie de SARS en Chine et à Hong Kong pendant la période de 2002 à 2003.


Avant l’apparition du 2019-NCoV, le monde avait déjà connu plusieurs épidémies et pandémies. Il est donc intéressant de voir le positionnement de ce nouveau virus en termes d’infection et de mortalité engendrée par rapport aux autres virus apparus pendant le 20ème et 21ème siècle comme le présente la figure suivante :


2. Impacts sur l'économie et les marchés financiers


Les sources d’inquiétudes sur l’économie mondiale sont multiples :

  • Diminution de la demande sur le marché chinois, suite à la mise en quarantaine de plusieurs provinces et à la diminution des liaisons entre la Chine et d’autres pays pour une période qui peut s’étendre au-delà de plusieurs semaines ;

  • Incapacité des fournisseurs basés en Chine à continuer leur activité, entraînant une rupture de la chaîne de production ;

  • Des coûts supplémentaires liés aux mesures prises pour assurer une continuité d’activité et au déploiement des mesures d’aide, de protection et de dédommagement.

Les coûts sont difficiles à évaluer, mais les premières estimations (à la date du 02 février 2020) indiquent que cette épidémie conduirait à une diminution de la croissance de l’économie mondiale d’environ 0,3% [1].

La baisse des marchés financiers, observés notamment en Chine et Hong Kong (voir ci-dessous : MSCI China, Hang Seng à Hong Kong) semble se stabiliser, après avoir perdu 8%-10% depuis mi janvier.


De manière générale, pendant les événements pandémiques d’intensité modérée, les marchés boursiers suivent une évolution en forme de " V ", avec un recouvrement rapide, comme ce qui avait été observé à l’époque du SARS.


3. Impacts sur les structures d'assurance


Avec plus de 28 000 infections[2] et plus de 500[3] décès enregistrés à date, le secteur d’assurance pourrait être l'un des plus impactés par l’apparition de l’épidémie.

Les principales garanties impactées par une pandémie seraient les suivantes :


Les organismes d’assurance devront faire face à une baisse de valeur de leurs actifs financiers. L’ampleur de cette baisse sera en fonction de l’accumulation de l’exposition dans les zones et sur les secteurs les plus touchés. En revanche, le secteur de la santé et pharmaceutique sera impacté positivement.


4. Pandémie : comment les assureurs gèrent-ils le risque ?


Le risque pandémie est un risque suivi de près depuis de nombreuses années, il se retrouve dans le top 20 des risques émergents et futurs, selon plusieurs organismes de suivi[4].

Les pandémies font partie des risques extrêmes de par leur fréquence rare et irrégulière et leur sévérité (leurs conséquences sont lourdes sur l’activité économique et sur les pertes humaines). La mise en place d’une bonne gestion de ce risque est obligatoire pour permettre de limiter les effets, néanmoins, elle est complexe à implémenter et nécessite des processus de surveillance et de prévention efficace, une estimation de l’ensemble des impacts et une anticipation des couvertures possibles en cas de survenance de ce risque.



5. Modélisation du risque de pandémie


Estimer l’impact global d’un événement de type pandémie est un exercice très complexe, qui mobilise plusieurs types d’expertise : actuarielle, épidémiologique, pharmaceutique, biotechnologique et plus récemment en intelligence artificielle.

Dans la cartographie des risques de la formule standard de Solvabilité II, le risque de pandémie apparaît dans deux sous-modules :

  • Le sous-module Vie Catastrophe qui évalue le besoin en capital qui serait associé à une augmentation absolue de 1.5 ‰ du taux de mortalité. Ce choc a été calibré sur la base du modèle épidémiologique stochastique de Swiss Re (2007) qui estime la surmortalité engendrée par une pandémie bicentenaire comprise entre 1,0 ‰ et 1,5 ‰ dans les pays développés.

  • Le sous-module Santé Catastrophe Pandémie qui évalue le besoin en capital qui serait associé à une augmentation de la sinistralité liée à des garanties de type frais d’hospitalisation, frais de soin et garanties invalidité en cas de survenance d’une pandémie.

Plusieurs types de modèles sont utilisés actuellement pour modéliser le risque pandémique :



Les modèles épidémiologiques présentent plusieurs avantages[5]:

  • La dynamique des maladies infectieuses est reflétée par la loi de l'action de masse que les modèles épidémiologiques respectent par construction ;

  • De nombreuses études existantes permettent de valider plus facilement ces modèles et l’estimation de leurs paramètres ;

  • Ils peuvent être utilisés dans les tests de sensibilité pour évaluer l’efficacité des mesures de prévention et d’'intervention.

Au sein des modèles épidémiologiques, on distingue deux grandes familles :

  • Les modèles compartimentaux ;

  • Les modèles non-compartimentaux.

Les modèles compartimentaux considèrent que la population est bien mélangée et que la structure des contacts est homogène au sein de la population[6]. La population est divisée en différentes classes auxquelles sont ajoutées des probabilités de passages entre les différents états. Dans la théorie des maladies infectieuses, le modèle le plus couramment étudié est le modèle SIR (Susceptible-Infecté-Retiré) développé par Kermack-Mckendrick en 1927.

Le modèle SEIR (Susceptible-Exposé-Infecté-Remplacé) est un autre modèle compartimental déterministe selon lequel la classe exposée est ajoutée pour tenir compte des individus qui sont infectés, mais pas encore infectieux. En effet, cela est utile lorsque les maladies modélisées ont une longue période d'incubation, comme la grippe par exemple.


Les modèles non-compartimentaux, comme le processus stochastique de branchement, les chaînes binomiales ou certains modèles basés sur la théorie des graphes, offrent une meilleure modélisation avec une plus grande précision, mais sont moins efficaces sur de larges populations et nécessitent des capacités de calcul très importantes.

Les modèles actuariels sont des modèles de projection calibrés à partir des données historiques concernant la mortalité observée pendant les épisodes de pandémies. Un des avantages de ces modèles est la prise en compte des évènements passés et la sévérité associée. En revanche, ils ne peuvent pas tenir compte du caractère aléatoire des pandémies futures, comme la zone de déclenchement, le type ou la létalité des virus.


Les modèles « mixtes » combinant les techniques actuarielles, les caractéristiques des virus ainsi que les informations concernant les vaccins et les mesures de prévention du risque ont été développés. Ces modèles, souvent à composantes stochastiques, ont l’avantage d’intégrer un plus large spectre de scénarios pandémiques permettant de mieux prendre en compte les conditions de survenance et les avancées actuelles de la médecine.


Pour plus de détails sur ces modèles, l'article : "Quelle modélisation pour le risque de pandémie?" offre une analyse approfondie de la modélisation du risque pandémique.


Conclusion

Au-delà de disposer des fonds propres nécessaires pour faire face au risque pandémique extrême, la gestion des risques est au cœur de la stratégie des organismes d’assurance. Le paysage des risques ne cesse de s’élargir, de se complexifier et de s’interconnecter, rendant l’analyse plus complexe mais nécessaire pour une prise de décision éclairée.

Rédacteurs : Isabelle DEVINE / Iuliana COVACI / Ayoub EL ABD



Références

[1] https://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL8N2A4065

[4] Le risque de pandémie est passé de la 10ème à 8ème place en 2019 selon le Rapport sur les risques futurs AXA – Eurasia, les baromètres d’Allianz Global Corporate & Specialty (AGCS) et celui de la FFA le classe plutôt en 17ème place au niveau mondiaux et 7e rang des risques pour la Chine.

[5] Actuarial Applications of Epidemiological Models" publié dans le North American Actuarial Journal en 2011 par Runhuan Feng et Jose Garrido.

[6] Corlosquet-Habart M., « Modélisation, impact et gestion du risque de pandémie » 5 Novembre 2010.

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